
Jean-François Clervoy, un des neufs astronautes français, accompagne Thomas Pesquet pendant sa mission dans la station spatiale internationale, depuis la France, jusque mai 2017 prochain. Il évoque ici ses souvenirs et comment découvrir la Terre depuis l’espace l’a amené à se questionner sur nos responsabilités environnementales.
« Vous suivez la mission de Thomas Pesquet depuis la Terre. Comment vivez-vous cette aventure de loin ?
Je la vis par procuration, je sais ce qu’il ressent, ce qu’il vit, quels sont les challenges qu’il doit mener et qui demandent d’être excellent pendant plusieurs heures en continue. Dans la station, on travaille dans divers domaines scientifique, biologique, chimique, physique. On est cobaye de ses propres expériences médicales. Il faut aussi entretenir la station, sortir dans l’espace avec le pilotage du bras robotique. C’est du travail de plombier, d’électricien un peu plus sophistiqué mais on n’a pas le droit à l’erreur !

Vous êtes parti trois fois dans l’espace, comment ces expériences vous-ont-elles transformé ?
Mon regard sur l’humanité a évolué. Depuis l’espace, on se dit que la Terre est un magnifique vaisseau spatial. Nous devrions la gérer comme notre propre vaisseau spatial : apprendre comment il fonctionne, à le piloter, à le gérer sans jamais consommer plus de ressources que ce qui est disponible chaque jour. Nous, les astronautes, on connaît parfaitement notre vaisseau spatial, nous sommes les champions de l’antigaspillage, du recyclage : de l’urine en eau potable, du gaz carbonique de l’expiration des astronautes en eau et en méthane. C’est ce qu’il faudrait faire avec notre planète. La nature le fait déjà très bien tout seule.
Etes-vous devenu un ambassadeur de l’humanité ?
Nous devons aller dans le sens de la nature et non par contre. Quand on voit la Terre depuis l’espace, on ressent ce devoir. Cela m’a fait réfléchir sur la condition de l’humanité et du vivant en général, sur Terre et peut-être ailleurs. On compare souvent notre mission dans notre vaisseau spatial, pendant quelques semaines ou quelques mois, à notre mission sur Terre, et à la mission de la Terre elle-même dans l’histoire de l’univers. On ne trouve pas forcément les réponses mais le fait d’échanger avec les collègues pendant ou après la mission, nous aide à avancer sur ces questions. »
Extrait d’interview, réalisée pour le journal Présence – Groupe Bayard