
Le septième parc éolien offshore français connaît une nouvelle étape. Le 15 mars 2019 prochain, neuf candidats vont déposer leurs projets dans le cadre de ce troisième appel d’offre. Comment fonctionnera ce parc ? Quel impact pour le territoire sur ces trente prochaines années ? En quoi ce parc est-il atypique par rapport aux autres parcs français ?
Selon le cahier des charges imposé par l’état, entre 50 et 80 éoliennes vont être posées sur le fond marin sableux, à 10 km au large de Dunkerque, à la frontière belge. Sur une zone de 70 km2, elles auront une puissance de 500 MW. Les engins produiront 2 GW/an, soit l’équivalent de la consommation d’électricité d’un million de personnes ou 40% de la population du Nord. Coût de l’investissement : entre 1,5 et 2 milliards d’euros, dont 50% dans les turbines.
Projet sur 30 ans
Neuf consortiums d’entreprises sont en train de finaliser leurs projets à déposer le 15 mars prochain. Le lauréat sera connu en juin. Il recevra alors le droit de demander un permis de construire pendant deux ans. Sur cette période, un débat public sera organisé avec les citoyens, le monde associatif et économique, qui pourra influencer le projet. Puis s’ouvrira une période de recours possible. La construction pourrait commencer ensuite en 2023, pendant un à deux ans. Le consortium retenu devient ainsi propriétaire du parc. C’est lui qui est en charge d’installer les éoliennes et de les câbler entre elles.
« Le raccordement électrique du site jusqu’au réseau public de transport d’électricité à terre sera assuré par RTE. Et pour la première fois en France, ce raccordement se fera grâce à la construction d’une plateforme électrique en mer, aux côtés des éoliennes. C’est unique ! Ca permettra de raccorder des parcs voisins. Et cette plate-forme intelligente pourra avoir d’autres fonctions, comme une station météo ou la surveillance de la faune locale »
explique Laurent Laurent Mazouni, de la Communauté Urbaine de Dunkerque, en charge du projet. D’ailleurs, un appel à projets numériques a été lancé depuis le 6 février jusque fin mai 2019 (via la plateforme www.agorize.com), sur les usages possibles de la future plateforme électrique intelligente en mer (station météo, surveillances oiseaux, de la faune marine .…)
Le parc aura alors une durée de vie de 25 ans, avant d’être démantelé. Cette aventure transformera le territoire sur les trente prochaines années.
Nouveau modèle économique
Le choix du lauréat se fera selon plusieurs critères, notamment en fonction de sa capacité à travailler avec le territoire et d’un prix d’électricité de revente de référence qu’il va garantir (autour de 60 euros/MWh). C’est un nouveau modèle économique imposé par le gouvernement. On se rappelle que pour les deux précédents parcs éoliens, l’Etat s’était engagé sur un prix de rachat très élevé de l’électricité. Depuis, avec l’évolution des marchés, ce modèle ne tient plus. Le lauréat dunkerquois devra lui-même fixer un tarif de référence de revente d’électricité sur les marchés. Si le prix à la revente sur les marchés est supérieur au prix de référence fixé, le bénéfice ira à l’Etat. A l’inverse, si ce prix est inférieur, l’Etat subventionnera le propriétaire du parc, à hauteur du prix de référence.

François de Rugy, ministre de la transition écologique s’était exprimé à ce sujet en novembre dernier : pour lui, ce nouveau modèle permet d’être en phase avec le marché et de limiter les subventions.
Impacts sur le territoire
Quand on sait que les six parcs éoliens en Vendée et Seine-Maritime, lancés en 2011 et 2013, ne sont toujours pas fonctionnels (ils devraient voir le jour entre 2021 et 2024), on peut s’interroger sur la pertinence de lancer un nouveau parc dans le Nord. Mais depuis, la technologie a évolué comme les mentalités. Les éoliennes sont devenues plus puissantes (un seul engin peut fournir 10MW, contre 1 MW il y a quelques années) et donc plus compétitives. A l’appui des expériences passées, on peut espérer que les opérateurs prendront mieux en compte les inquiétudes tant de la population que du monde associatif. D’ailleurs, des études d’impacts sur la faune et sur la flore seront réalisées avant la construction puis pendant l’exploitation du parc. Dunkerque est notamment sur la route migratoire de nombreux oiseaux.

Et les attentes économiques sur le territoire sont très fortes, en terme de création d’emplois. D’ailleurs, un Appel à Manifestation d’Intérêt a déjà été lancé pour recenser les entreprises intéressées pour travailler avec le consortium qui sera retenu. 55 entreprises se sont manifestées, dont un tiers des Hauts-de-France. Il est encore possible de se faire connaître en s’adressant directement aux différents consortiums. Les retombées fiscales sont également très importantes. 7 millions d‘euros annuels seront redistribués aux communes du secteur (3,5 millions d’euros), aux pêcheurs et élevages marins (2,5 millions d’euros), et le reste aux associations environnementalistes et à la sécurité en mer.
Moulins de Flandre

Lors des Assises européenne de la Transition énergétique (22-24 janvier) à Dunkerque, différents consortiums étaient présents. Moulins de Flandre est l’un d’entre eux, regroupant la filiale française de Deme basée à Lille, Quadran Energies Marines et Shell. Jan Vandenbroeck, directeur général de la filiale française Deme, dévoile une partie de leur stratégie:
« Nous avons développé un projet pour impliquer le territoire durant la phase d’étude et d’exploitation. Il y aura une base de maintenance créée sur le port de Dunkerque. Notre engagement est de générer au moins 150 emplois dans ce domaine. Les gens seront formés pendant quatre ans, pour être prêt au moment de l’exploitation.»
On sait que les précédents parcs en Vendée et Seine-Maritime ont connu beaucoup de retard à cause d’une multitude de recours de citoyens et d’associations. Pour Jan Vandenbroeck,
« on ne peut pas éliminer le risque de recours. Mais nous travaillons pour que la population défende le projet avec nous, qu’elle en soit fière, ce qui permet à terme de fiabiliser le délai d’exécution. C’est pour ça que nous sommes les seuls à être basés à Dunkerque depuis un an, pour travailler au plus près avec la communauté urbaine, l’université et les associations.»
Le lancement de ce parc éolien offshore de Dunkerque permettra à la France de rattraper son retard ; seule une éolienne offshore est aujourd’hui en fonctionnement au large du Croisic. En Europe du Nord, six pays – Royaume-Uni, Suède, Hollande, Belgique, Danemark et l’Allemagne – ont déjà installé 15 Gigawatts (GW) d’éoliennes off-shore, soit l’équivalent de 15 centrales nucléaires.
Liste des consortiums :
Dunkerque Eoliennes en Mer (Engie, EDPR)
Eliade (Wpd offshore, Vattenfall et la Banque des Territoires)
Elicio
Vents de Dunkerque (Boralex, Eneco, Van Oord et DGE)
Equinor ASA
InControl France
DK4Wind (Parkwind et Valeco)
Moulins de Flandre (Deme, Quadran Energies Marines et Shell)
EDF Renouvelable, associé à Innogy et Enbridge
Extrait de l’article paru dans la Gazette du Nord-Pas de Calais du 8/2/19